Je me souviens d’elle

Par hasard ou par erreur, ce soir je suis tombée sur elle, plantée dans cette photo floue.
Elle croit que je l’ai oubliée mais en réalité je sais bien qu’elle est restée là quelque part, tel que je lui ai promis.

 

 

Je sais tout d’elle. Je sais qu’il est précisément 17h32 quand elle rentre du lycée. Je sais chaque centimètre du chemin qu’elle se fraye en arrivant à la maison, je sais la tête qu’elle enfouira dans ses épaules et le soulagement en fermant la porte de sa chambre. Je sais le mètre carré dans lequel elle déposera son sac à dos, l’odeur de la couette et le cadre posé sur son bureau.
Je sais qu’elle a peur et j’aimerais lui dire qu’elle ne devrait pas, que la vie bientôt serait plus clémente. De ne pas écouter ceux qui lui disent « C’est les meilleures années de ta vie » parce que ses meilleures années à elle, elles viendront bientôt mais pas tout de suite. Que l’avenir sera beau pourtant, plus heureux, plus riche et plus lumineux que ce qu’elle croit.
Qu’un jour elle pourra se retourner pour regarder ce qu’elle a accompli, et que ce jour là elle n’aura plus peur de rien.

Mais en attendant, je sais qui elle appelle, je sais même ce qu’elle lui dit.
Car d’elles aussi j’ai promis de me souvenir. Aucune d’entre nous n’aura finalement connu une gloire certaine. Pourtant elles sont devenues médecin, instit, ingénieur ou artiste. Elles sont devenues fortes, belles et drôles. Celle que la vie a éraflée et celle que le sort a gâtée, toutes sans s’en douter sont devenues des femmes encore plus incroyables que nous imaginions l’être.
Il y en aura qui vont s’absenter, d’autres qui seront là contre vents et marées, et d’autres encore qui ne reviendront jamais. Mais toutes ont fait partie de ma vie, toutes ont été importantes à leur manière, toutes je les ai aimées comme des soeurs.

On dit souvent tel un slogan familier que « les copines c’est la vie », ce qui est sûr c’est que mes copines à moi auront sauvé la mienne.

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