C’est absolument fou quand on y pense. Tellement de jours, tellement d’heures et de minutes. Tellement de joie, de surprises et de tendresse. Tellement d’amour surtout. 10 ans c’est quand même un sacré truc. Mais si moi je n’en reviens pas, toi tu les portes avec une fierté infinie.
À 10 ans moi j’écoutais les spice girl et les 2be3 sur le baladeur CD reçu pour mon anniversaire. Il passait à la chanson suivante dès que je montais sur un trottoir, mais c’était ça ma révolution.
Toi tu aiguises ta culture musicale sur Deezer. Tu écoutes Beethoven et Mozart pour améliorer ton piano, et puis quelques secondes plus tard : « Alexa, joue ma playlist Imagine Dragon sur Deezer »…
À 10 ans, je dévorais chaque bouquin qui passait entre mes mains. Ils étaient ma bouée de sauvetage. La seule possibilité d’évasion d’un quotidien dont je ne voulais pas vraiment.
Toi, si tu t’enfile largement autant de pages que moi, tu es beaucoup plus pointu sur la sélection des genres. Ta passion c’est les mangas, alors tu les écris, tu les dessines, et pour cela aussi tu les lis. Tous. Les collections, les inconnus, les tomes 1 à 148, les éditions originales en japonais dans lesquels on ne pige même pas un foutu mot.
À 10 ans, je mangeais ce que j’avais envie, en fonction du contenu du frigo. Parfois, ma mère me faisait réchauffer une brique de soupe industrielle avant de partir à l’école. Parfois, je collais des céréales dans un bol de lait pour le dîner parce que bon, flemme. (Après seulement j’ai découvert les croustibat).
Toi tu es végétarien depuis 6 ans déjà. Tu l’as décidé et jamais tu n’es revenu sur ton choix. Même si parfois c’est chiant de ne pas pouvoir manger la pizza parce qu’il y a du jambon dessus, tu dis non merci et tu t’accommode de la salade verte.
À 10 ans moi, j’étais seule. Aimée par une mère qui faisait de son mieux et choyée par des grands-parents dépassés. J’étais entourée d’amis partout, tout le temps. Pourtant, immensément seule.
Toi, tu es solitaire par nature. Tu aimes ta chambre dans laquelle tu t’enferme dessiner pendant des heures. Et il y a ta sœur aussi, à qui tu es lié comme à personne d’autre. Elle te fait mourir de rire autant qu’elle t’agace. Elle t’aime autant qu’elle te cherche. Elle est la seule, le soir quand vous vous retrouvez en cachette, à écouter tes blagues et tes chagrins, tes peurs et tes victoires. Alors, tu lui pardonnes tout.
À 10 ans, l’angoisse me filait des migraines. J’avais peur d’échouer, peur de ne pas être à la hauteur des ambitions que je m’étais moi-même mises dans les pattes. On me laissait prendre des décisions, qui plus tard trouveraient un sens, mais trop lourdes pour les épaules que j’avais là.
Toi mon fils, je n’ai pas su t’épargner ni les angoisses, ni les migraines. C’est quand même con parce que cet échec là je ne l’avais pas vu venir. Et pourtant c’est un des plus difficile qu’il m’est demandé d’assumer. J’aurais voulu t’offrir la légèreté et l’insouciance, je t’ai refilé le poids de mes combats.
Toi et moi on est si différents, et pourtant je crois que je n’aurais confiance en personne d’autre que toi sur cette terre pour la rendre meilleure. Alors merci pour ces 10 ans de toi et vivement la prochaine décennie.